Témoignage d’une « homogenre »
Trans-formation
Lors de ce témoignage, vous ne m’entendrez pas parler de « transsexualité ». Ce terme est trop réducteur pour comprendre la complexité de cette recherche et ce combat pour acquérir son identité. Je préfèrerai les termes « transidentité » ou « transgenre ».
Si je témoigne aujourd’hui, ce n’est pas au nom d’une personne transgenre. Nous ne pouvons qu’essayer de comprendre leur parcours mais pour l’assimiler totalement il faut le vivre. Non, si je suis ici aujourd’hui, c’est pour vous parler d’amour, de soutien, d’ouverture d’esprit. Je vais vous parler de mon parcours en tant que compagne d’une transgenre.
Je suis actuellement amoureuse, très amoureuse, de la plus belle femme que je connaisse. Cette femme est, pour le moment, « mâle » dans son corps. Et pourtant, elle m’a touché plus qu’aucune autre femme cisgenre ou « bio » si vous préférez. Ce qui m’a touché chez Sélène c’est cette recherche de la féminité idéale. Si elle était présente aujourd’hui elle vous dirait » Tu comprend mon apparence c’est une question de survie ! Je dois être dix fois plus intelligente, dix fois plus féminine que les autres femmes pour qu’on me considère comme telle. » Si je suis si éprise d’elle c’est qu’elle incarne justement mon idéal féminin. Comment, me direz vous, alors qu’elle est encore mâle dans son corps. J’ai une réponse très simple : à l’instar de tous les trans, je dissocie la notion de sexe de celle de genre.
L’être humain avant d’être Homme avec un grand H, fait partie du règne animal, et comme tous les animaux il est biologiquement classé selon son sexe en mâle ou femelle. Ce qui nous différencie du règne animal c’est que notre évolution sociale nous a permis de développer le concept de genre : féminin ou masculin, ou en d’autres termes à adopter le rôle social de femme ou d’homme. Simone de Beauvoir l’illustrait très bien par sa célèbre citation « On ne naît pas femme, on le devient ». Lorsque j’ai rencontré Sélène je me suis posée la question suivante : suis-je une lesbienne qui aime les femelles ou les femmes ? La réponse est venue d’elle-même. J’aime le genre féminin, j’aime la femme, ce qu’elle incarne : la beauté, la douceur, la sensualité, le charisme et tant d’autres choses qui font qu’une femme respire la féminité. Je fais abstraction du corps si, comme ma compagne, on m’aime comme une femme, qu’on pense femme, qu’on est femme. Sélène, elle a ce style, ce chic des actrices des années 50. Cette classe nonchalante de Audrey Hepburn quand elle s’assoie au comptoir avec élégance pour fumer sa cigarette ou boire un verre, ce glamour aguichant digne de Marylin Monroe, un brin narcissique, quand elle s’arrête devant une vitrine pour s’admirer en disant « Mmmh je suis vraiment pas mal, même très jolie ». C’est pour cela que j’aime tant Sélène, parce qu’elle est femme tout simplement dans tout ce qu’elle fait.
Il m’est arrivé d’entendre des remarques désagréables du genre : « Viviane, elle a retourné sa veste », « Oh elle a fait sa piqûre de rappel ! », ou encore « Tu n’es pas une vraie lesbienne ». Est ce qu’être lesbienne c’est avoir une aversion pour tout organe phallique ? A cette définition, toutes les lesbiennes possédant des sex-toys sont exclue de la communauté. A ces différentes personnes j’ai répondu que pour moi le pénis ou la pénétration n’était pas un problème. Ce n’est qu’un moyen, parmi tant d’autres, pour une femme de prendre son plaisir. Pour moi ce n’est pas le moyen mais l’approche, la manière de donner, partager le plaisir qui est importante. Les femmes savent penser le plaisir autrement que par la pénétration, elles exploitent chaque moyen de réveiller le désir de l’autre tantôt avec sensualité tantôt avec fougue. Les hommes, pas tous bien sûr, sont trop souvent attachés à leur nature de mâle et y centralisent leur sexualité.
De par sa féminité exacerbée, sa quête du genre féminin, Sélène aime comme une femme. Et je vous avouerai qu’elle m’a bien mieux fait l’amour que mes précédentes expériences avec des femmes cisgenre. Dans nos relations c’est même moi qui parfois me suis trouvée quelque peu embarrassée. Comment ne pas altérer cette féminité ? Comment ne pas la choquer ? Comment trouver une approche qui ne fasse pas trop « hétéro » ? Et oui j’avais peur que par certains gestes elle se dise « Oh celle là elle m’a prise pour tester, pour expérimenter avec mon corps ». Car oui certaines femmes, bisexuelles, sont très intéressées par l’aspect encore ambivalent des transgenres non opérées. Ce qui est choquant car cela réduit la transidentité à la seule dimension de sexualité. Je faisais donc attention à chacun de mes gestes, à la manière d’amener le désir de façon très féminine, aussi féminine qu’elle le souhaitait. Je n’ai jamais autant réfléchis en faisant l’amour ! En parlant, elle a levé toutes mes craintes car, malgré toute ma prudence, je lui ai fais l’amour comme elle, comme je voudrais qu’on me le fasse : comme une femme. Je suis restée naturelle, l’amour avec Sélène c’est ce dont j’ai toujours rêvé : tendre et romantique, sensuel, parfois fougueux, voire même très créatif mais surtout féminin…
Aimer une transgenre, c’est aimer quelqu’un pour ce qu’il est, pour ce qu’il veut être. C’est passer au-delà des apparences, du corps. Ouvrir son esprit, réfléchir à ce que l’on aime vraiment pour mieux ouvrir son cœur. Ma Sélène c’est mon idéal féminin, je doute de trouver quelqu’un(e) de plus féminin et plus charismatique qu’elle dans tout ce qu’elle fait. Par ce qu’elle est, par son genre féminin si développé, elle m’a touché. J’espère pouvoir être encore à ses côtés quand elle passera de transgenre à cisgenre car se sera une très, très belle femme. Grâce à elle, je suis arrivée à la conclusion que je ne suis pas homosexuelle, mais homogenre.
Viviane, 24 ans.